Dangote Oil Refinery
(DOR), la raffinerie de pétrole du groupe Dangote qui est entrée en production le 13 janvier
dernier, serait sur le point d'importer une cargaison de brut des États-Unis.
Selon Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, la
méga-infrastructure pétrolière aurait conclu un accord avec le groupe Trafigura
pour un approvisionnement de 2 millions de barils de pétrole brut de type WTI
Mitland (un brut léger extrait en Amérique du Nord). La livraison est prévue
pour fin février 2024, apprend-t-on.
Si effective, cette livraison serait la 2e reçue par le pétrolier nigérian qui
a déjà obtenu 6 millions de bruts auprès des producteurs locaux, dont la NNPC
et Shell, pour démarrer ses activités.
Le choix de cette
filiale du groupe Dangote d'acheter le pétrole américain alors qu'elle est
implanté dans un pays qui est le plus gros producteur d'or noir en Afrique peut
s'avérer curieux. Deux hypothèses permettent, cependant, de le comprendre. La
première est purement économique car le pétrole de type de West Texas
Intermediate (WTI) Midland est relativement moins cher que celui produit au
Nigéria. Selon la plateforme oilprice.com, le baril de WTI est vendu ce 30
janvier sur le marché international à 76,73 dollars US contre 83,15 dollars
pour le brut nigérian. Ce qui signifie que DOR réaliserait une plus-value de
6,42 dollars par baril en s'approvisionnant auprès des fournisseurs américains
plutôt qu'en achetant auprès des producteurs locaux.
L'autre hypothèse résiderait dans la volonté du raffineur de diversifier son
approvisionnement face à une production nigériane irrégulière. Depuis quelques
années, le secteur pétrolier aval dans la première puissance économique
d'Afrique est miné par des incidents de vols de pétrole sur les pipelines ;
le désinvestissement des majors
pétrolières et l'insécurité dans le delta du Niger, principal bassin de
production. En 2022, le vol généralisé de pétrole a fait perdre au Nigéria son
statut de premier producteur africain. Un leadership qui a été retrouvé début
2023 dans le sillage des luttes menées par le gouvernement fédéral, mais qui
n'a pas permis au pays d'atteindre son quota de production de 1,75 million de
barils/jour fixé par l'OPEP.
En plus des États-Unis, la raffinerie implantée à Lekki, à l'Est de Lagos, peut
également traiter le brut léger d'Arabie Saoudite ainsi que d'autres bruts
africains, ce qui lui permet d'être flexible en termes d'approvisionnement,
mais surtout de limiter sa dépendance au pétrole nigérian.
Rappelons tout de même le régulateur nigérian du secteur pétrolier aval a
récemment adopté une réglementation obligeant les producteurs locaux à livrer
483 000 barils par jour (b/j) aux raffineries locales entre janvier et juin
2024. DOR devrait bénéficier d'une part majoritaire de cette dotation, soit 325
000 barils/jour, représentant seulement la moitié du potentiel de la raffinerie
estimé à 650 000 barils/jour.
Selon les médias locaux, les premiers litres de carburants de la méga-raffinerie seront vendus sur le marché nigérian dès le mois de mars prochain. Une étape importante pour le Nigéria qui envisage être autosuffisant sur ce produit et même l'exporter vers ses voisins.
Cédrick JIONGO
SIKAFINANCE du 30/01/24